Synopsis:
Réalisé par Avec Tom Hanks, Robin Wright, Paul BettanyPays: Genres : Drame Durée : Année de production : |
7/10 |
Robert Zemeckis revient avec un film à la fois minimaliste dans sa forme et vertigineux dans son propos. Here est une œuvre unique, avec une âme profondément expérimentale, mais portée par une maîtrise formelle rare. Un pari osé : une caméra fixe, une seule pièce, un plan qui ne bouge jamais… et pourtant un voyage dans le temps absolument saisissant. Difficile de résumer un kaléidoscope comme Here
Le film s’ouvre sur une scène préhistorique d’une beauté troublante, presque mystique. Dès les premières secondes, le spectateur comprend qu’il va vivre une expérience hors du commun. Zemeckis transforme ce décor immobile en une véritable fresque vivante, où les époques se superposent, s’enlacent, se répondent. Les transitions sont d’une fluidité et d’une ingéniosité incroyables, jouant avec les angles, les objets, les personnages, pour faire surgir les souvenirs d’un lieu habité par l’Histoire.
Narrativement, Here déconcerte. Sa structure déconstruite, éclatée, refuse toute linéarité. C’est un puzzle temporel, un collage impressionniste où les émotions remplacent le récit traditionnel. Chaque plan, chaque instant, chaque silence fait sens. Le spectateur est invité à recomposer lui-même les trajectoires humaines qu’il entrevoit à travers les décennies. Même quand l’ennui nous gagne, on reste là, porté par ce décor qu’on aime simplement voir exister.
La maison, simple décor au départ, devient le véritable personnage central du film. Elle est bien plus qu’un lieu : elle est le témoin silencieux de vies qui se croisent, s’aiment, se brisent et renaissent. Lieu de vie, de transmission, de mort et de renaissance, elle incarne notre attachement viscéral au foyer, à nos repères, à ces murs que l’on façonne à notre image, jour après jour. Mais derrière cette familiarité se cache une vérité bouleversante : ce que nous bâtissons avec soin, ce que nous habitons avec amour, sera un jour habité par d’autres. Nos souvenirs, nos éclats de rire, nos drames intimes… tout cela s’effacera, ou subsistera à peine dans les creux invisibles du parquet. Dans quelques décennies, ma maison – comme tant d’autres – ne portera plus les traces conscientes de ceux qui l’ont faite vivante. Mon investissement, les rires d’enfants, les repas partagés, les silences du soir… tout cela sera oublié. Et pourtant, ces instants auront existé avec intensité, tout comme, bien avant moi, d’autres vies ont été vécues sur ce même sol, dans l’indifférence du temps qui passe.
Here nous confronte avec une tendresse désarmante à cette idée universelle : ce que nous croyons éternel ne l’est jamais. Et pourtant, cela n’enlève rien à la beauté de ce que l’on vit, au contraire. Cela donne une valeur précieuse à chaque instant, à chaque souvenir déposé entre quatre murs. C’est là toute la beauté de Here : un film profondément humain, qui parle de nous, de nos parents, de nos enfants, de l’amour, de la maladie, de la vieillesse, de la perte… sans jamais sortir d’un simple cadre. Cette fixité crée un effet contemplatif puissant. On ne regarde pas Here, on le ressent.
Une œuvre contemplative, universelle, intime et ambitieuse à la fois. Certainement pas pour tous les publics, mais un véritable bijou pour les amateurs de cinéma audacieux et sensoriel.